Beaucoup de chrétiens comprennent le « don du célibat » comme une aptitude particulière à endurer l’état de célibataire. Cette vocation peu répandue donnerait à un certain nombre d’élus la capacité de survivre en tant que célibataires. Ce serait, en somme, une sorte de super-pouvoir. Et, comme tout super-pouvoir, c’est une faculté peu commune. Après tout, un super-pouvoir sort forcément de l’ordinaire. Sinon, quel intérêt y aurait-il à être un super-héros?
Tout comme les super-héros sont des êtres à part, ceux qui possèdent le don du célibat feraient partie d’une élite, une élite capable d’affronter une vie de célibat, contrairement au commun des mortels. Cela paraît a priori conforme à ce que dit Paul dans ses lettres et à ce que nous pouvons constater du célibat autour de nous.
Cette théorie du don du célibat présente toutefois un grand nombre de problèmes.
1. Selon elle, le célibat n’est pas bon
Réfléchissez: s’il faut un super-pouvoir spirituel pour le surmonter, c’est que le célibat doit être une chose terrible! Al Hsu compare cette vision du don du célibat à l’anesthésie nécessaire pour supporter la douleur d’une opération chirurgicale: « On pense sans oser le dire que personne ne ferait le choix délibéré de rester célibataire s’il avait la possibilité de se marier. » Ce genre de théorie ne fait que renforcer l’idée fausse mais très répandue qu’une vie sans mariage n’est pas vécue à son plein potentiel et que le choix de rester célibataire n’est pas sain (même pour servir le royaume des cieux). Le célibat n’aurait par nature rien de bon et c’est pourquoi nous aurions besoin d’un « don » particulier pour le supporter.
2. Cette théorie encourage l’amertume plutôt que le contentement en Christ seul.
Ceux qui sont malheureux dans leur condition de célibataire peuvent être tentés de discréditer le contentement que d’autres trouvent dans le célibat: « Ils ont le don du célibat, c’est évident. Mais moi pas. »
3. Elle peut servir d’excuse à la désobéissance.
Imaginez qu’un célibataire soit convaincu de ne pas posséder le don du célibat, mais que les seules possibilités pour lui de s’engager dans une relation amoureuse impliquent de vivre dans le péché. Il pourrait être depuis toujours exclusivement attiré par les personnes du même sexe. Ou peut-être n’y a-t-il dans son entourage aucune personne chrétienne avec qui il puisse se marier. Mais alors, que doit-il faire? Dans les deux cas, il semblerait que Dieu se soit trompé quelque part. Sur laquelle de ses convictions ce célibataire va-t-il revenir? Celle de ne pas posséder le don du célibat? Ou celle qui lui dit que l’homosexualité et le mariage avec un non-chrétien sont mauvais?
Il est probable que cette seconde conviction s’affaiblisse. J’ai vu cela de nombreuses fois. Une femme que j’ai connue justifiait sa décision d’épouser un non-chrétien en déclarant être convaincue que Dieu ne voulait pas qu’elle reste célibataire. Je pense aussi à quelqu’un qui s’est engagé dans une relation homosexuelle car, disait-il, « Dieu ne m’a pas appelé au célibat ». Cela ne lui laissait effectivement pas d’autre choix. Notez que, dans les deux cas, la faute revient à Dieu qui nous place dans l’incapacité de lui obéir.
Mais nous savons que ce n’est pas ainsi qu’œuvre notre Père céleste et plein d’amour. Dieu est un. Il est parfaitement conséquent dans tout ce qu’il est, dit et fait. Sa Parole ne présente pas une seule contradiction. Aucun passage de l’Écriture n’exige que nous fermions les yeux sur un autre. Respecter l’un de ses commandements n’implique jamais de désobéir sur un autre point. Croire qu’il existe des situations qui exigent que nous vivions dans le péché, c’est mettre en doute l’unité et l’intégrité parfaites de notre Dieu. Cela reviendrait à faire de lui un être capricieux et contradictoire, en somme, un être humain. Et c’est aussi une façon de nier que Dieu est profondément bon: en nous ordonnant une chose puis en nous retirant la capacité de l’accomplir, il chercherait sans cesse à nous escroquer.
4. Elle exigerait que nous appliquions le même raisonnement au mariage.
Je connais des gens qui vivent aujourd’hui un mariage très malheureux. Steve (pseudonyme) vit sous le même toit que sa femme dans le seul but d’élever leurs enfants. Son épouse et lui n’éprouvent plus d’amour ni même d’affection l’un pour l’autre. Il est plus facile pour Steve de passer du temps à l’extérieur qu’à l’intérieur de son foyer. Comme il est engagé dans le ministère, il peut aisément noyer ses soirées et ses weekends dans le travail pour ne pas avoir à affronter sa terrible situation familiale. Et je sais qu’il envie énormément ma condition de célibataire. Steve pourrait facilement en venir à cette conclusion: « Bien que je sois marié, il est évident que je n’ai pas le don du mariage. Je ferais donc mieux de quitter ma famille. », ce qui reviendrait à « faire de Dieu la raison de son divorce ».
Si seul le « don du célibat » nous permet de nous épanouir en tant que célibataires, je ne vois pas pourquoi il n’y aurait pas un « don du mariage » grâce auquel une partie seulement des couples mariés seraient en mesure de vivre un mariage heureux.
Le fait est que le mariage n’est pas chose facile. Croire que seul le célibat nécessite un don particulier, c’est ne pas avoir conscience des nombreux défis que représente la vie de couple pour des pécheurs tels que nous. Ce n’est pas pour rien que le Livre de la Prière Commune (livre de prières utilisé par l’Église anglicane) nous enjoint à « [ne] pas s’engager dans le mariage imprudemment, à la légère, mais avec respect, après réflexion, en pleine connaissance des intentions qu’avait Dieu en l’instituant ».
5. Selon Timothy Keller, elle n’est pas conforme aux enseignements de Paul.
« Dans ses écrits, chaque fois que Paul emploie le terme “don”, il parle d’une compétence donnée par Dieu pour édifier les autres. Il ne parle donc pas d’un vague état d’esprit dépourvu de stress. »
Comme Paul l’explique dans sa lettre aux Corinthiens, les dons ont pour but la croissance de l’Église et non l’épanouissement individuel et personnel de ceux qui les possèdent. Nos dons doivent nous permettre de servir les autres, pas de nous sentir à l’aise ou en paix. Keller poursuit:
« Pour Paul, le célibat était un don qui lui donnait la liberté de se concentrer sur son ministère bien davantage qu’un homme marié. Il est très probable qu’il ait vécu ce que nous appelons aujourd’hui “des conflits émotionnels” liés à son célibat. Peut-être aurait-il voulu être marié. Mais il a découvert que cela lui permettait de mener une vie de service pour Dieu et pour les autres. Il a, de plus, tiré profit des avantages uniques de la vie de célibataire (comme la flexibilité de son emploi du temps), afin de servir avec une grande efficacité. »
Quelle bonne nouvelle! Comme le dit Vaughan Roberts, « personne n’est en train de passer à côté du plan de Dieu ». Nous bénéficions tous de son immense bonté, ce qui ne signifie pas que mariage ou célibat soit exempt de tout défi. Mais cela nous rappelle que Dieu nous manifeste sa bonté même lorsque nous faisons face à ces défis.
Cet article est adapté du livre Sept mensonges sur le célibat, de Sam Allberry.
Il a été traduit par Claire Romerowski, avec l’aimable autorisation de Crossway.