Le danger d’un Évangile rien que pour transformer le monde
Marjolaine aime les gens
Marjolaine voit grand. Aussi grand que son amour pour l’humanité. Elle vient de s’engager dans une troisième association caritative. Elle a l’impression de faire la différence dans ce monde… n’est-ce pas tout ce qui compte dans la vie ?
Marjolaine est une bonne personne : elle fréquente une Église près de chez elle parce qu’elle aime Jésus. Surtout son exemple d’abnégation pour les autres ! Le prédicateur est dynamique, mais pourquoi ne parle-t-il que de notre union avec le Christ ? se demande-t-elle. Elle pense qu’il faudrait pousser l’assemblée à sortir de ses murs pour répandre le bien autour d’elle ! Dieu ne nous a pas sauvés pour nous isoler du monde, mais pour que nous donnions au monde une saveur particulière par nos bonnes œuvres (Matt. 5 : 13-16) ! Son plan est cosmique !
Le « petit » oubli de Marjolaine
Marjolaine a en partie raison. Le plan de Dieu englobe tous les aspects de la création. Et nous nous concentrons souvent sur le seul aspect qui intéresse notre petite personne : la rédemption en Christ. Beaucoup d’Églises créent alors des « disciples » remplis de connaissance biblique sans que celle-ci ne déborde « au-dehors ». Comme nous l’abordions dans un précédent article, nous louons Dieu de tout cœur pour la bénédiction reçue… tout en négligeant notre responsabilité de la transmettre à notre tour : nous voyons trop petit.
Marjolaine a bien raison de vouloir changer le monde en suivant l’exemple de Jésus. Elle oublie peut-être un détail : Jésus a changé, et change encore, le monde en transformant d’abord les cœurs des individus. Jésus sauve en appelant des disciples, pas en protégeant la forêt d’Amazonie. Chaque société est transformée quand elle commence par accepter le message de la croix.
L’erreur de Marjolaine, ce n’est pas de voir grand. (Ah ! si tous les chrétiens voyaient grand, l’Évangile serait déjà prêché à « toutes les nations ».) Son erreur, c’est d’adopter de tout son être une vision panoramique de l’Évangile tout en minimisant l’importance du gros plan. Qu’est-ce que le gros plan ? C’est l’appel pressant de Dieu à changer de maître. À renoncer à cette illusion que « je peux m’en sortir par moi-même ». À suivre le Christ, en faisant nôtre ses priorités et sa méthode (Rom. 6 : 4).
Faut-il sauver l’Évangile en le rendant attrayant ?
Bien entendu, un discours honnête et adéquat de l’Évangile abordera les notions de « péché », de « repentance » et de « conversion ». Autant de notions que le monde qu’essaie de « sauver » Marjolaine ne veut pas entendre. Alors, elle adoucit son discours. Pour ne pas tomber dans le piège du sectarisme, elle tombe dans celui du syncrétisme. Pour ne pas s’isoler du monde (comme ces gens trop centrés sur la rédemption), elle se fond dans le monde. Et voilà ! Elle a rayé de son vocabulaire le discours « scandaleux » de la croix, espérant rendre ainsi l’Évangile attrayant.
Elles et ses autres amis chrétiens « nourrissent les pauvres, construisent des abris, s’engagent pour soulager les diverses souffrances du monde et diluent peu à peu le message de l’Évangile. Ils adaptent les commandements clairs des Écritures : ils pensent qu’ainsi certains croiront plus facilement et seront sauvés. En fait, ils essaient de sauver l’Évangile en le changeant ! » (M. Chandler).
L’Évangile selon Marjolaine fait de la justice sociale sa mission. À vouloir trop transformer le monde, elle en a transformé la mission de l’Évangile. Elle a, au passage, perdu son identité de disciple de Christ. Un jour, quelqu’un lui a même demandé si elle n’était pas bouddhiste !
Sel et lumière du monde
Dieu veut, bien entendu, rendre à ce monde la lumière et le sel qu’il a perdu. Mais cela ne pourra passer que par un message adéquatement prêché et profondément accepté. C’est en reconnaissant le Christ comme Seigneur et Sauveur que des sociétés entières glorifient Dieu et font triompher la justice. L’évangile social finit par glorifier l’homme, car l’homme « y joue un rôle essentiel » (M. Chandler). Dieu n’est, au mieux, qu’un élément de l’équation.
Comme le dit M. Chandler, « ne créons pas une mission qui nous aide à nous sentir mieux, mais qui n’apporte aucune solution à la douleur la plus profonde de l’humanité ». À quoi bon entrer dans l’enfer propre et bien nourri ? « Notre espérance devrait toujours être l’Évangile. Que les gens entendent, comprennent et puissent connaître Dieu d’une manière puissante : voilà notre espérance » (M. Chandler).
Le problème n’est pas notre engagement social ou humanitaire, « le véritable danger, c’est notre tendance à pécher ». Nous risquons tous de prêcher notre Évangile, celui de nos convictions. Nous avons besoin du gros plan : le message scandaleux de la croix. Nous avons tout autant besoin de comprendre que ce message vise plus loin : transmettre la bénédiction spirituelle et favoriser une transformation profonde de toute la société, jusqu’aux extrémités de la terre.
Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes oeuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. (Matthieu 5 : 16).
• Vous reconnaissez-vous des points communs avec « Marjolaine » ?
• Pouvez-vous définir ce que sont la repentance et la conversion ?
• Avez-vous déjà annoncé l’Évangile à des proches, des collègues ou des amis ou craignez-vous trop leur réaction ?
• Comparez cet article au précédent : savez-vous repérer quelle est votre tendance ?
Matt Chandler, L’Évangile, tout l’Évangile, rien que l’Évangile, 288 p.
Paru en juin 2017.