Mes amis musulmans me disent:
« Il est écrit que “Le diable le transporta encore sur une montagne très élevée, lui montra tous les royaumes du monde et leur gloire, et lui dit: Je te donnerai toutes ces choses, si tu te prosternes et m’adores” (Matthieu 4: 8-9). Un Dieu qui se fait tenter: est-ce possible? Le diable ne savait-il pas que Jésus est Dieu? Et que servirait-il à Dieu de recevoir les royaumes de la terre, lui qui a créé tout l’univers? ».
Pour nous qui croyons à l’Incarnation, la réponse est simple: Dieu s’est fait homme sans tricher. Dans cette humanité, il a donc pu être tenté comme tout le monde! La Bible déclare: « Car nous n’avons pas un souverain sacrificateur qui ne puisse compatir à nos faiblesses; au contraire, il a été tenté comme nous en toutes choses, sans commettre de péché » (Hébreux 4: 15).
Par ailleurs, le passage sur la tentation pourrait suggérer que Dieu lui aussi peut être tenté dans une certaine mesure, puisqu’il est écrit: « Jésus lui dit: Il est aussi écrit: Tu ne tenteras point le Seigneur, ton Dieu » (Matthieu 4: 7; Deutéronome 6: 16).
En réalité, le sens ici n’est pas celui d’une tentation à faire le mal. Il semble contraire à l’Écriture de dire que Dieu puisse être tenté, comme l’indique l’épître de Jacques: « Que personne, lorsqu’il est tenté, ne dise: C’est Dieu qui me tente. Car Dieu ne peut être tenté par le mal, et il ne tente lui-même personne. Mais chacun est tenté quand il est attiré et amorcé par sa propre convoitise. Puis la convoitise, lorsqu’elle a conçu, enfante le péché; et le péché, étant consommé, produit la mort » (Jacques 1: 13-15).
Le sens de l’expression « Tu ne tenteras point le Seigneur, ton Dieu » est: tu ne provoqueras pas Dieu. Lui désobéir, c’est le tenter! Posons-nous surtout la question: « De qui parlait Jésus en disant: Tu ne tenteras point le Seigneur, ton Dieu? ». Alors que Satan est en train de tenter Jésus, c’est Dieu lui-même qu’il provoque? Et pourquoi tenter Jésus revient-il à provoquer Dieu?
Satan tente donc l’homme Jésus afin de le faire tomber dans le péché. De plus, à cause de sa consubstantialité avec le Père et l’Esprit saint, tenter le Fils c’est provoquer Dieu lui-même!
Ce n’est pas tout.
Il faut aussi saisir l’enjeu spirituel de cette tentation. Bien des musulmans déclarent à la suite de la lecture du Coran que Jésus est le Messie, mais cette déclaration est vide de sens tant qu’ils refusent la mission du Messie:
Dès lors Jésus commença à faire connaître à ses disciples qu’il fallait qu’il aille à Jérusalem, qu’il souffre beaucoup de la part des anciens, des principaux sacrificateurs et des scribes, qu’il soit mis à mort, et qu’il ressuscite le troisième jour. Pierre, l’ayant pris à part, se mit à le reprendre, et dit: À Dieu ne plaise, Seigneur! Cela ne t’arrivera pas. Mais Jésus, se retournant, dit à Pierre: Arrière de moi, Satan! tu m’es en scandale; car tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu, mais celles des hommes.
Matthieu 16: 21-23
Par révélation du Père céleste, Pierre venait tout juste de reconnaître Jésus comme le Messie: « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Matthieu 16: 16). Il n’a pourtant pas encore compris ce que cette déclaration implique véritablement et Jésus le savait bien, car « il recommanda aux disciples de ne dire à personne qu’il était le Christ » (Matthieu 16: 20).
Les disciples n’ont pas encore découvert le sens réel de la mission de Jésus. Ils le regardent comme un Messie politique qui les libérera de l’oppression romaine. Cette compréhension étriquée devient palpable quand Pierre vient reprendre Jésus au sujet de l’annonce de sa mort. Il n’a pas médité ce que la loi et les prophètes avaient annoncé au sujet de sacrifice du Messie (Luc 24: 44-47). Jésus répond alors violemment à Pierre: « Arrière de moi, Satan! tu m’es en scandale; car tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu, mais celles des hommes ».
En reniant la mort de Jésus (Sourate 4: 157), les musulmans sont dans la même situation que Pierre. Ils ont une fausse compréhension du Messie et de sa mission. Selon Jésus lui-même, cette compréhension est d’ordre satanique.
Dans ce cas, comment saisir l’épisode de la tentation?
Ce que Satan sait de l’identité de Jésus est dévoilé par les démons: « Ah! qu’y a-t-il entre nous et toi, Jésus de Nazareth? Tu es venu pour nous perdre. Je sais qui tu es: le Saint de Dieu » (Luc 4: 34). Satan sait que Jésus est le « Saint de Dieu », c’est-à-dire le Messie. Il sait que Jésus est venu pour le perdre comme l’annonce Genèse 3: 15. Mais alors, comment Satan se rend-il vainqueur des hommes? Encore une fois, la Bible ne laisse aucun doute: c’est en les tentant pour les faire tomber dans le péché!
Que Satan sache que Jésus est le Messie, cela ne fait aucun doute. Qu’il sache qu’il est Dieu fait homme, ceci n’est en revanche pas certain. Dieu sait cacher les choses pour les révéler en temps voulu (Proverbes 25: 2). Ce que Satan sait assurément depuis des millénaires est que le Messie est un homme qui devait mettre fin à son règne (Genèse 3: 15) et qui devait se charger du péché de son peuple (Ésaïe 53).
Satan use donc avec le Messie des mêmes méthodes dont il use avec tous les autres. Son pouvoir n’est pas illimité! Il lui propose des tentations charnelles (Matthieu 4: 3-4). Il propose la gloire des richesses trompeuses (Matthieu 4: 9). Il tente même de le faire douter de son identité afin qu’il s’en défende dans un acte suicidaire (Matthieu 4: 5-7). Tous les moyens à sa disposition sont bons pour lui! Satan sait que si Jésus pèche d’une manière ou d’une autre, il ne pourra pas sauver l’humanité. Si Jésus pèche, il ne sera plus l’Agneau sans défaut, mais un agneau taché et impropre à couvrir le péché des hommes.
Dans l’hypothèse où Satan sait que Jésus est Dieu fait homme, il montre qu’il a mieux compris que les musulmans l’importance et la faiblesse qui s’attachent à l’Incarnation. Il y voit une fenêtre de tir pour se rendre victorieux de Dieu lui-même.
Mais Satan n’est pas le plus fort, Jésus-Christ résiste à toutes ses attaques, même les plus violentes. Lorsqu’on le frappe et lui crache dessus (Matthieu 27: 29-30), il ne s’enflamme pas de colère. Lorsqu’on le cloue, il pardonne à ses bourreaux (Luc 23: 34). Jésus meurt innocent, il se rend vainqueur du mal par le bien (Romains 12: 21). La violence haineuse de Satan se retourne ainsi contre lui. Sa violence est soumise à la sagesse de Dieu, cette sagesse qui nous sauve tous en utilisant les initiatives diaboliques.
Le diable voulait plonger l’humanité dans le désespoir, le voilà qui porte le coup fatal à son propre règne maléfique. Dieu l’a pris à son propre jeu! Même dans les limites de l’humanité, Dieu se montre plus fort que le diable. De cette manière, il replace l’humanité dans le camp des vainqueurs et tous ceux qui se confient en Jésus-Christ par la foi sont alors au bénéfice de sa victoire.
Extrait du livre La divinité du Christ face à l’Islam, de Rémi Gomez, paru en Septembre 2020