A l’occasion de la sortie du livre Dieu et le débat transgenre par Andrew Walker, BLF a souhaité publier le témoignage d’un travesti qui raconte comment sa rencontre avec Jésus-Christ a bouleversé sa vie. L’auteur a choisi de rester anonyme.
Un désir dès la plus tendre enfance
Je crois que j’ai toujours eu ce désir de m’habiller en femme. Dans mes souvenirs les plus lointains, je vois un coffre rempli de déguisements avec lesquels mon frère et moi jouions; ils s’y trouvaient certainement des déguisements de pirate et des chapeaux rigolos, mais aussi deux ou trois robes. Si je me souviens vaguement de les avoir portées, j’ai en revanche un vif souvenir de ma déception lorsqu’un jour, j’ai ouvert le coffre et que les robes n’y étaient plus. Mes parents, inquiets, les avaient vraisemblablement enlevées.
Ma vie s’est poursuivie normalement jusqu’à la préadolescence. En plus des processus chimiques déconcertants qui sont typiques de cette période, j’ai ressenti une envie plus déconcertante encore, mais bien moins typique, d’essayer un soutien-gorge. Sans vraiment savoir pourquoi, j’en ai récupéré un dans le panier à linge sale et l’ai enfilé. Dans mon souvenir, je ne ressens ni joie ni émerveillement particulier; je croyais simplement satisfaire ma curiosité – une curiosité quelque peu étrange, soit – et ne pensais pas que les choses iraient plus loin. J’avais tort. Cette même envie est revenue un ou deux jours plus tard, et cette fois-ci, il me fallait plus qu’un soutien-gorge.
C’est devenu mon schéma habituel: j’étais un adolescent heureux et bien-élevé, mais en privé j’étais à la merci de ce désir inexplicable. Mes tentatives d’y résister me conduisaient tout droit vers l’échec; mes efforts pour l’assouvir le rendait plus affamé encore. Je suis passé d’un préadolescent qui fouillait dans le panier à linge à un adolescent qui écumait les boutiques solidaires du coin, constamment à la recherche de nouveaux vêtements. Mais j’étais terrifié à l’idée que j’y croise une connaissance.
Seul dans la bataille
Je ne voulais pas être une femme. Au tout début, je crois que je voulais surtout être normal. En même temps que toutes les cachettes secrètes de ma chambre se remplissaient de lingerie d’occasion, je me cramponnais au vague espoir qu’un jour, je serais « guéri ». J’étais convaincu que cette envie disparaîtrait complètement, ou que le sentiment de dégoût ressenti à chaque fois que je cédais serait assez fort pour m’empêcher de céder la fois d’après.
Plus cet espoir s’envolait, plus je désirais voir changer la définition de ce qui était considéré comme un comportement « normal ». Je rêvais, un jour, d’apprendre que le travestisme était un acte parfaitement naturel et sain que tout le monde pratiquait. J’avais envie que la lutte cesse, soit en remportant la victoire sur elle, soit en étant accepté malgré ce désir.
Mais la victoire paraissait impossible. De temps en temps, je prenais des mesures radicales: je jetais toute ma garde-robe alternative et jurais de n’acheter que des vêtements masculins. Mais dans cette bataille que je menais, mes seules armes étaient un vague instinct que le travestissement c’était « mal », et le sentiment de culpabilité qui y était associé. Tous deux étaient finalement assez faciles à rationnaliser.
Pourquoi devrais-je me sentir coupable, après tout? Je ne faisais de mal à personne! Pourquoi est-ce que cela serait mal? À l’époque, j’allais à l’église; pourtant, le christianisme dont je me réclamais ne m’a pas davantage équipé. J’étais persuadé que Dieu m’avait créé comme ça. Je ne croyais pas que Dieu voulait que je lutte contre ces caractéristiques que lui-même avait placées en moi.
Un combat insoutenable
Je combattais donc, mais sans grande conviction. Je savais que le combat était perdu d’avance. J’ai réussi à dompter mes penchants pendant une année entière, mais la lutte était insoutenable. Et le résultat était toujours pire que ma situation initiale. J’ai commencé à accepter la réalité de qui j’étais: un travesti. Ce n’était pas une simple phase qui finirait par passer. Impossible de lutter contre. C’était mon identité.
Et pour ce qui était de l’acceptation, et bien je n’étais pas stupide. La société me disait d’exprimer mon moi authentique et véritable, mais aux yeux de celle-ci, les travestis étaient soit des dames de pantomime, soit des pervers. Si de nos jours, les questions de genre sont des sujets brûlants, à cette époque, très peu de gens semblaient avoir entendu parler du travestisme. Aucun travesti célèbre ne faisait la une des journaux, hormis Eddie Izzard, et personne ne semblait vraiment savoir de quoi il s’agissait. J’avais moi-même du mal à comprendre cette envie de m’habiller en femme. Alors pourquoi devrais-je m’attendre à ce que d’autres la comprennent? Mis à part un ou deux amis très proches que j’avais mis au courant, mon travestisme restait un secret bien gardé.
Une envie d’exister
J’aspirais à être accepté, à me sentir libre de vivre tel que Dieu m’avait créé. Mais je n’aspirais pas à me faire tabasser, ce qui me semblait être l’issue la plus probable si je décidais de sortir habillée en femme. Je vivais seul, les rideaux constamment tirés. J’étais sociable et j’avais des amis, mais ce que je considérais être mon « moi véritable et authentique » restait confiné dans mon petit appartement, sans aucune interaction avec le reste du monde.
J’avais tellement envie de sortir, de connaître la sensation du vent ou de la pluie sur ma robe, de faire du vélo en jupe, ou simplement de sentir le soleil, de voir l’aspect de tous ces vêtements à la lumière du jour. Et j’avais envie de parler, de pouvoir montrer mes achats à quelqu’un qui s’exclamerait: « Oh c’est joli, tu l’as acheté où? » ou même « Ah non, c’est laid ». Je voulais un autre observateur, un témoin qui permettrait à ma « vraie » vie d’exister en dehors de mon expérience personnelle privée. Mais cela aussi me semblait impossible.
Le parfum enivrant de l’acceptation
Et puis, vers la fin de la vingtaine, j’ai déménagé à Londres pour étudier la musique. Tout d’un coup, une lumière est apparue au bout du tunnel. Ce n’était pas la lumière de la victoire. A ce stade, j’avais abandonné tout espoir de vaincre mon désir de travestisme. Mais au milieu de mes amis musiciens, j’ai commencé à sentir le parfum enivrant de l’acceptation. L’université était un lieu plutôt libéral. Mes activités privées n’étaient rien comparées à celle que j’entrevoyais de la faculté d’opéra.
Cette bataille éprouvante que j’avais menée seul, dans le secret et pendant tant d’années, n’était pas un problème du tout pour mes amis. J’avais deux colocataires (deux filles) adorables qui se fichaient bien de ce que je pouvais porter à la maison. L’une d’entre elles est allée jusqu’à me prêter ses vêtements. J’ai même commencé à faire l’expérience du monde extérieur. Tout doucement, très timidement, mon exil prenait fin. J’avais l’impression que je pouvais baisser les armes, que le combat cessait. J’étais en paix.
Jamais assez
Sauf que… je devais vraiment me débarrasser de mes poils sur mes jambes: ça gâchait l’effet des bas. Et il fallait vraiment enlever les poils sur mes aisselles. (Conseil de pro: ne tentez jamais d’épiler vos propres aisselles à la cire.) Et les poils du torse aussi. Tant de poils à épiler! Et il fallait aussi du maquillage pour cacher les poils qui repoussaient. Et quelques soutien-gorges supplémentaires. Et des faux seins pour remplir les soutien-gorges. Et des pantalons rembourrés, histoire de donner des formes à mes fesses. Mais comment me dessiner une taille plus fine?
Je ne possédais jamais suffisamment de robes, et elles ne m’allaient jamais suffisamment bien. Et pour une raison ou une autre, j’avais encore plus de luttes qu’avant. Le saint graal de l’acceptation m’avait mené tout droit dans un piège de plus en plus profond. J’avais eu beau accepter mon désir de me travestir, celui-ci me semblait toujours impossible à satisfaire. Et ses exigences devenaient de plus en plus grandes chaque jour.
Avec le recul, le problème me paraît évident. Pendant des années, j’avais menti et dissimulé la vérité en faisant semblant d’être ce que je n’étais pas. J’avais imaginé que toutes mes difficultés seraient réglées si je pouvais vivre mon travestisme au grand jour. J’étais passé à côté d’une réalité fondamentale: le travestisme consiste à mentir et à cacher. Je portais un déguisement. Je choisissais les vêtements les plus féminins possibles pour faire semblant que le corps qu’ils habillaient était celui d’une femme. Par tous les moyens, je dissimulais mon corps d’homme.
Jusqu’au bistouri?
Est-ce réellement à ça que ressemblait mon « moi véritable et authentique »? Je n’ose même pas penser où tout cela m’aurait mené. Impossible pour moi d’être vraiment heureux tant que mon existence se basait sur une imposture. L’idée de passer sous le bistouri me terrifie. Mais je peux facilement m’imaginer en arriver à un point où j’aurais cédé à l’appel de la chirurgie, convaincu que je faisais un pas de plus vers la liberté. À dire vrai, en regardant à la personne que j’étais, je ne vois pas ce qui m’aurait empêché de le faire.
Pourtant, quelque chose m’en a bien empêché. Un évènement extraordinaire a entièrement bouleversé ma vie. Sans que je sache comment, ma loyauté tiède envers une version farfelue du christianisme m’a conduit, tant bien que mal, vers une Église qui elle, enseignait le véritable Évangile…
Article traduit par Loanne Procopio, avec l’aimable autorisation de The Good Book
Découvrez comment cet homme a été libéré du travestisme…
Etes-vous prêts à réfléchir à comment les chrétiens peuvent-ils mieux aimer et interagir avec les personnes transgenres? Lisez Dieu et le débat transgenre, par Andrew Walker, paru en mai 2021