Jésus s’attendait à ce que son Église grandisse. Il donna à ses disciples, au travers du Saint-Esprit, tout ce dont ils auraient besoin pour assurer la croissance. Dans le dessein de Dieu, l’Église de Jésus-Christ croît. Elle grandit qualitativement et spirituellement via la sanctification et la production du fruit de l’Esprit dans les cœurs et les vies des croyants. Elle grandit aussi quantitativement lorsque l’Esprit y ajoute ceux qui sont sauvés.
Et quand la croissance n’est pas présente?
Il peut arriver que des Églises locales stagnent ou soient en repli. Ce fut le cas pour l’Église de Jérusalem lorsque la persécution dispersa les croyants (Actes 8.1-2). À un certain moment, l’Église d’Asie dut certainement connaître une phase de décroissance, voir un effondrement, car l’apôtre Paul se disait seul et abandonné de tous (2 Timothée 1.15; 2 Timothée 4.16). Occasionnellement, l’Église ne grandit pas et parfois même décroît.
Nul besoin de mentionner les inévitables divisions ou conflits internes. Une Église peut perdre de nombreux membres à cause d’un exode massif d’une région ou d’une ville suite à la fermeture d’une usine, aux effets d’un conflit, d’une persécution, d’une famine ou d’une pandémie. Lors de la guerre de Trente Ans, Martin Rinkart, pasteur allemand, enterrait en moyenne 15 personnes par jour. En 1636, alors que sa paroisse était ravagée par la guerre, la maladie, la mort et l’effondrement de l’économie, il est rapporté qu’il présida à 5 000 enterrements. Il est facile d’imaginer l’impact de telles circonstances sur la taille d’une Église.
De même, lorsque la Belgique et la France traversèrent les persécutions intenses des 16è et 17è siècles, elles connurent un grand nombre d’exécutions et d’émigration, vague après vague. La Contre-Réforme et l’Inquisition peuvent expliquer la taille minimaliste de l’Église protestante contemporaine. Même Peter Wagner, un des avocats les plus convaincus du Mouvement de la Croissance de l’Église, ajoute qu’en certaines situations il est acceptable d’avoir une Église qui ne grandit pas. Cependant, la norme, la condition par défaut pour l’Église et pour les Églises, est et demeure la croissance.
Même s’il est parfois légitime qu’une Église ne croisse pas, les croyants ne peuvent se dédouaner en invoquant cette excuse quand la stagnation est devenue la norme. Quand des croyants sont enlisés dans le découragement, habitués à des Églises impuissantes et stériles, ils ne peuvent se résigner. Dieu a donné à son Église un ADN de croissance et de reproduction et lui a donné un mandat d’expansion. L’Église a reçu l’ordre et tout ce qui lui est nécessaire pour y satisfaire.
L’exemple de la Belgique
La Belgique, comme beaucoup d’autres pays d’Europe, est un champ missionnaire hostile à l’Évangile. J’ai passé mon enfance et mon adolescence dans la ville de Huy en Wallonie, en Belgique francophone. C’est là que depuis presque 40 ans j’exerce un ministère pastoral. Je suis donc bien conscient des réalités d’un milieu hostile à la propagation de l’Évangile, d’un milieu postchrétien, postmoderne et quasi post-post. Ce royaume fut béni d’un éveil puissant lors de la Réforme, mais la Contre-Réforme mit rapidement sous l’éteignoir la flamme ardente de l’Évangile qui y brûlait. S’ensuivirent des décennies, des siècles d’absence d’une proclamation puissante de l’Évangile. La première guerre mondiale a annoncé un nouveau mouvement de l’Esprit. Des milliers se sont convertis et de nombreuses Églises ont été implantées. Malheureusement, la Seconde Guerre mondiale, le manque d’ouvriers et l’avènement d’une société de consommation, de droits et d’individualisme vont étouffer ce début de réveil.
Aujourd’hui, même si une ouverture plus marquée est observée, les conversions sont assez rares et la croissance des Églises demeure très faible. Les convictions bibliques concernant l’ADN de l’Église y sont testées et mises à rude épreuve. Cependant, nous ne pouvons accepter une croissance anémique, une stagnation ou une régression comme étant une fatalité. Malgré la résistance du terrain, le mandat missionnaire demeure inchangé. Jésus a dit: « Allez et faites de toutes les nations des disciples ». Il n’a ni abrogé ni limité son ordre.
Les temps sont entre les mains du Seigneur. Il décide des saisons et l’Esprit souffle où il veut. Mais, envers et contre tout, notre ordre de marche demeure: « Allez et faites des disciples! » Rappelons-nous que le mandat ne souffre aucune remise en question et que les promesses du Seigneur n’ont pas été révoquées. Leur date de péremption n’est pas dépassée. Il a dit: « Je bâtirai mon Église » et il le fait. Il a affirmé: « Voici je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde », et il est avec nous.
Mais alors, pourquoi nos Églises semblent-elles atteintes de minimalisme? Pourquoi un développement si limité, quand l’ADN de l’Église respire la croissance?
Nous pourrions trouver réconfort dans l’idée qu’une « croissance ininterrompue n’est ni réaliste sociologiquement, ni théologiquement, ni bibliquement. » Les mots de Leslie Newbigin pourraient servir de baume:
Celui qui revisite l’enseignement du Nouveau Testament est obligé de dire que, d’une part, il y a une joie à la croissance rapide de l’Église dans les premiers jours mais que, d’autre part, il n’y a aucune preuve que la croissance numérique de l’Église est un souci premier. Il n’y a pas un soupçon de preuve dans les lettres de Paul qui pourrait suggérer qu’il jugeait les Églises à la mesure de leur succès à rencontrer une croissance numérique rapide et, d’ailleurs, il n’y a rien de comparable aux cris stridents de certains évangélistes contemporains qui vitupèrent que le salut du monde dépend de la multiplication des croyants. […] Mais ceci n’apparaît nulle part comme une anxiété ou un enthousiasme concernant la croissance numérique de l’église.
Nous pourrions continuer notre chemin, travailler avec fidélité et ardeur pour le Seigneur sans trop nous tracasser de l’absence de croissance. Il se peut que l’Esprit nous ait donné un ministère comme celui de Jérémie qui pleurait la désolation. Ou qu’il nous ait placés dans une situation similaire à celle de l’apôtre Paul à Antioche de Pisidie lorsqu’il partit en secouant la poussière de ses sandales (Actes 13:51). Il suffit alors de présenter au Seigneur notre fidélité à la tâche, même si elle n’a pas généré de croissance remarquable.
Il est toujours possible d’argumenter que si nos efforts ne produisent pas de croissance numérique, ils contribuent, tout au moins, au développement spirituel des chrétiens. Ou bien qu’ils sont bénéfiques à la croissance en maturité du corps de Christ ou à son unité. Mais l’un des signes de la maturité spirituelle n’est-il pas de porter du fruit, de multiplier et de se reproduire? Ne court-on pas le risque de ressembler à celui qui a enterré son talent (Matthieu 25.14-30) et omis de le faire fructifier?
L’étude de la croissance des Églises en Belgique
Même en francophonie, certaines Églises connaissent une croissance régulière et stable. Pourquoi? Sont-elles les exceptions qui confirment la règle? Le fruit de la conjoncture fortuite de quelques facteurs isolés?
Voilà la problématique qui a attiré mon attention et fait l’objet de mes recherches. Les questions que je me posais étaient:
• Pourquoi certaines Églises grandissent-elles quand la majorité des communautés peinent à maintenir le statu quo?
• Y a-t-il des éléments communs aux Églises en expansion qui pourraient expliquer leur croissance?
• Si des similitudes existent entre ces Églises, pourrions-nous en déduire des principes de croissance? Serait-il possible de les appliquer à d’autres communautés afin qu’elles aussi grandissent?
C’est ainsi qu’a débuté un processus d’étude de la croissance des Églises et des facteurs responsables de la croissance continue de certaines communautés. J’ai d’abord réalisé un état des lieux et constaté que parmi les Églises qui ont un ministère auprès de la population autochtone, il y avait généralement peu de croissance. J’ai identifié les Églises qui avaient expérimenté une croissance régulière sur un laps de temps prolongé. Pour améliorer la fiabilité des résultats, des critères ont été établis pour définir une Église en croissance. Ainsi, il fut décidé de n’étudier formellement que les Églises qui rencontraient trois critères précis.
- Avoir au minimum une moyenne de 100 personnes lors de la rencontre hebdomadaire principale.
- Avoir connu une croissance d’au moins 15 % sur les 10 dernières années.
- Avoir un ministère majoritairement axé vers la population autochtone.Sur base de ces critères, j’ai retenu vingt-trois Églises au sein du protestantisme évangélique francophone de Belgique. Devant l’impossibilité de les analyser toutes en profondeur, un échantillon représentatif de six Églises a été tiré au sort. Elles ont été contactées et ont toutes accepté de collaborer à l’étude envisagée. Je leur renouvelle ici l’expression de ma gratitude.Il fallait alors déterminer quels aspects de la vie de ces communautés investiguer, quelles questions poser et à qui et comment les poser. Mais, avant de s’investir dans des interviews, sondages, analyses et perspectives historiques, il paraissait judicieux d’examiner les recherches déjà réalisées concernant la croissance de l’Église et des Églises. Le prochain chapitre présentera le socle des connaissances sur le sujet.
Extrait du livre « L’ADN d’une Eglise qui grandit », Daniel Liberek, paru en Mars 2020