[Suite de l’article Que nous enseigne la Samaritaine sur notre satisfaction sexuelle?]
Une soif apaisée
Nous ne pouvons faire l’impasse sur cette réalité. Dans notre culture, beaucoup tentent d’étancher la soif de leur âme par le sexe ou par les relations amoureuses. C’est la raison pour laquelle nous accordons tant d’importance aux relations sexuelles. Nous sommes persuadés qu’elles combleront nos besoins. Et cela explique pourquoi nous sommes si réticents à embrasser un système de croyance comme la foi chrétienne qui pourrait restreindre notre sexualité. Mais en cherchant satisfaction dans l’épanouissement amoureux ou sexuel, nous persistons à boire l’eau salé de ce monde. Nous n’apaiserons jamais complètement notre soif. Il n’existe pas de relation ou d’expérience sexuelle qui puisse combler notre profond désir.
Mais alors, cette eau vive dont parle Jésus, comment fonctionne-t-elle? De quoi s’agit-il, au juste?
En réalité, c’est de sa mort que Jésus nous parle. À la fin de cette rencontre, la Samaritaine repart transformée. C’était une exclue assoiffée qui se rendait au puits à une heure où elle était certaine de ne croiser personne. Maintenant, elle est bien différente, et elle retourne dans la ville pour parler de Jésus aux autres habitants. Ils la rejetaient; elle faisait tout son possible pour les éviter. Désormais, elle va à leur rencontre et ils l’écoutent, la croient et la suive pour voir Jésus à leur tour (v. 30). Un renversement radical s’est opéré.
Le récit mentionne un détail qui en dit long. Jean nous raconte que la Samaritaine s’en va en laissant sa cruche derrière elle (v. 28). Elle a oublié ce même pourquoi elle était venue. Elle n’a plus soif.
Comment Jésus a-t-il donc pu produire un tel changement chez cette femme?
Le récit de sa mort nous éclaire sur ce sujet. À sa mort, Jésus est cruellement rejeté par le reste de la société, oppressé par ses ennemis, incompris par sa famille, persécutés par les autorités, abandonné par ses amis et séparé de Dieu. Il s’écrie: « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? » (Marc 15: 34).
Dans la mort, Jésus expérimente la soif spirituelle. Pour la première fois de sa vie, il manque d’une réalité spirituelle dont il n’avait jamais été privé auparavant. Il expérimente la soif de l’âme. La source d’eau vive qu’il a offerte à la Samaritaine est désormais à sec. Et de la croix, il crie: « J’ai soif » (Jean 19: 28), signe non seulement de son supplice physique, mais aussi de la profonde détresse spirituelle dans laquelle il se trouve.
Pourquoi? Parce qu’il a pris notre place. Jésus a été séparé de Dieu comme nous méritions de l’être, afin que nous puissions entrer en relation avec le Père. Il a connu la soif, conséquence de l’aridité spirituelle de notre cœur, pour que nous puissions nous abreuver de l’eau vive de la communion avec Dieu, une communion capable d’assouvir les plus grands besoins et les plus profonds désirs de notre âme.
Ce que Jésus est venu apporter
Voilà ce qu’est l’eau vive offerte par Jésus! Et trois choses en découlent.
D’abord, nous sommes connus de Dieu et aimés par lui.
Chacun de nous aspire à être connu et aimé. C’est une des raisons pour lesquelles les relations amoureuses et sexuelles revêtent tant d’importance à nos yeux. Pourtant, nous nous voyons souvent contraints de choisir entre les deux: soit l’autre nous aime, soit il nous connaît vraiment. Ces deux aspects de nos relations semblent toujours s’exclure mutuellement.
Dans ce monde, mieux une personne nous connaît, moins il semble possible qu’elle puisse nous aimer. Nous pensons que si l’autre nous connaissait, il ne nous aimerait pas, et nous craignons que ceux à qui nous sommes chers ne nous aiment que parce qu’ils ne nous connaissent pas vraiment. En conséquence, nous passons la majeure partie de notre vie à filtrer ce que les autres voient et savent de nous. Nous retouchons l’image que nous renvoyons aux autres et le comportement que nous adoptons en leur présence. Une telle vie est bien épuisante.
C’est ce qui est arrivé à la Samaritaine. Les hommes qui l’avaient le mieux connue l’ont rejetée. Sa propre communauté l’a exclue. Mais pas Jésus. Lorsqu’il l’a vue, il n’a pas fui de dégoût, ni ne lui a fait de leçon de morale. Il est entré en relation avec elle, mais pas parce qu’il ne la connaissait pas assez pour qu’elle le répugne. En vérité, il connaissait toute son histoire, y compris les chapitres les moins glorieux. Jésus la connaissait parfaitement, et il est venu à elle avec amour.
En 2016, la comédie musicale Dear Evan Hansen [Cher Evan Hansen] s’est produite sur la scène de Broadway pour la première fois. Elle a gagné une ribambelle de récompenses et s’est vue adaptée en bestseller. Son personnage éponyme, éprouve des difficultés à créer des liens sociaux. Sur le conseil de son thérapeute, il décide de s’écrire une lettre dans laquelle il s’explique à lui-même que tout ira bien.
Plus tard, un élève de son lycée découvre la lettre et se moque de lui. Peu après, ce même élève se suicide et, ayant trouvé la lettre d’Evan sur le corps, les parents s’imaginent que leur fils était très proche d’Evan et qu’il lui avait écrit cette lettre. Evan Hansen se retrouve alors au centre de l’attention et son entourage fait ses éloges, persuadé qu’il a été l’ami et le seul soutien d’un jeune homme en situation de détresse. Pour la première fois de sa vie, Evan tisse des liens avec les autres et en particulier avec la famille du lycéen décédé. Mais cette nouvelle vie repose sur un mensonge, un mensonge qui finit par être mis au jour.
Dans une scène de cette comédie musicale, alors qu’Evan ressent un profond désespoir, sa mère lui dit qu’elle l’aime. Le jeune homme répond: « Tu ne me connais même pas. Personne ne me connaît ». Mais la mère d’Evan lui répond: « Je te connais et je t’aime ». Lorsque je suis allé voir le spectacle il y a quelques mois, pas une personne dans la salle n’a pu retenir ses larmes.
C’était trop d’émotion. Nous aspirons tous à être à la fois pleinement connus et profondément aimés.
Le sous-titre du spectacle, « You will be found » (que l’on pourrait traduire par « Je viendrai te chercher » ou « Je te retrouverai »), résume bien l’histoire de la Samaritaine.
Jésus la connaissait. En fait, il la connaissait bien mieux qu’elle ne se connaissait elle-même. Et malgré cela, il l’aimait et il est venu la trouver. Il lui a offert l’eau vive qui alimentait sa propre vie. Jésus est celui qui nous connaît le mieux et, pourtant, c’est aussi celui qui nous aime le plus.
Ce que Jésus est venu chercher
Dans un deuxième temps, il faut savoir que Jésus ne fait pas tout cela par devoir, mais parce qu’il désire que nous le connaissions.
Ses disciples, qui étaient partis chercher de quoi manger, reviennent vers Jésus et s’étonnent de ce que celui-ci n’a pas faim. Leur maître leur dit:
J’ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas.
Jean 4: 32
Mais ceux-ci ne comprennent toujours pas, alors Jésus leur explique ce qu’il veut dire:
Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre.
Jean 4: 34
Jésus déclare cela au moment où une foule de Samaritains s’apprêtent à venir le trouver. C’est ce que Jésus entend par son « œuvre ». Beaucoup de gens sont sur le point de croire en lui (v. 39) et de trouver en Jésus ce qu’il a offert à la Samaritaine: la même eau vive et le même type de satisfaction intérieure. C’est la raison pour laquelle Jésus a été envoyé dans le monde. C’est l’œuvre que le Père lui a confiée.
D’après Jésus, cette mission (déverser son eau vive pour les êtres humains) est sa nourriture. Cela explique pourquoi, à cet instant, Jésus ne pense même plus au déjeuner dont son corps a pourtant besoin. L’ultime eau qu’il a à nous offrir ne peut être puisée et l’ultime nourriture de Jésus ne se trouve pas dans le supermarché du coin.
Voilà ce que représente pour Jésus la mission de venir nous chercher et de nous amener vers le Père. C’est en venant à lui, et pas en réalisant enfin nos fantasmes sexuels ou nos plus grands rêves d’amour, que nous trouverons pleine satisfaction. Et c’est en nous attirant à Dieu que Jésus trouve la sienne.
Qui définit notre identité?
Troisièmement, l’amour de Jésus transforme le regard que nous portons sur nous-mêmes.
Après avoir rencontré Jésus, la Samaritaine s’en va dire aux habitants de sa ville: « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. Ne serait-il pas le Messie? » (v. 28). Cette rencontre lui a permis de se comprendre bien mieux qu’elle n’y était parvenue jusqu’ici. Elle se voit désormais sous un autre jour.
La Samaritaine n’est pas la seule à avoir vécu une telle expérience. L’apôtre Jean, auteur d’un des quatre récits de l’Évangile, celui qui contient cette histoire, a aussi vu son opinion de lui-même se transformer radicalement au contact de Jésus. Lorsque Jean apparaît dans son propre récit, il se nomme « le disciple que Jésus aimait ». Jean ne dit pas cela par orgueil, comme s’il sous-entendait que Jésus l’aimait plus que les autres disciples. Je pense qu’il dit cela par pur émerveillement, parce qu’il n’en revient toujours pas que Jésus l’aime, lui, Jean.
En général, nous faisons dépendre notre identité des personnes que nous aimons le plus. D’où le puissant impact de la sexualité sur ce que nous sommes. Nous avons tendance à voir nos désirs et les personnes qui nous attirent comme un moyen (voire le seul moyen) de nous comprendre nous-mêmes. L’identité sexuelle a aujourd’hui une grande influence dans notre société. Nous partons du principe que chacun dispose d’un droit fondamental à embrasser l’identité sexuelle qui semble le mieux lui convenir, quelle qu’elle soit. Nous avons fait de notre sexualité la clé de la compréhension de soi, et c’est pourquoi notre comportement sexuel est devenu l’un des principaux moyens d’exprimer notre identité. Restreindre la liberté sexuelle de l’autre, c’est l’empêcher d’être ce qu’il est.
Cette vision des choses pose problème. Si nos désirs sexuels et amoureux définissent notre identité, alors ces désirs doivent être comblés afin que nous soyons pleinement nous-mêmes. Je ne me réaliserai pleinement moi-même qu’en vivant une vie amoureuse et sexuelle épanouie.
Problème: cela implique qu’en-dehors de cette option, une vie ne vaut pas la peine d’être vécue. Ceux qui, pour une raison ou pour une autre, ne peuvent combler leurs désirs sexuels, passent à côté de la seule façon de vivre pleinement ce qu’ils sont. Il est essentiel de comprendre les terribles dégâts que peut engendrer pareil discours. L’enjeu est énorme: en affirmant une chose pareille, nous sous-entendons que, sans épanouissement sexuel, nous ne connaissons pas la vraie vie. De tels propos ne feront qu’ajouter à la pression émotionnelle que subissent déjà ceux qui fondent leur identité dans leur sexualité.
Jean offre une meilleure compréhension de ce que nous sommes. L’apôtre ne fonde pas son identité dans la personne qu’il aime le plus, mais dans la personne par qui il a été le plus aimé, c’est-à-dire Jésus. Oui, Dieu se soucie de notre sexualité parce que c’est le domaine dans lequel nous avons placé, en vain, toute notre compréhension de nous-mêmes.
C’est donc l’amour de Jésus, plus que tout autre, qui nous donne une identité et nous permet de nous comprendre nous-mêmes. Et cet amour est le plus important de tous. Ce qui nous amène à cette conclusion: contrairement à ce que nous pensons, nous n’avons peut-être pas bien compris ce qu’est l’amour. C’est ce que nous allons voir maintenant.
Extrait du livre Pourquoi Dieu se mêlerait-il de ma vie sexuelle?, de S. Allberry